Le Chirac de la page contact de liberation.fr

Quand on envoie un message à Libération via leur site web, on a un grand visage de Jacques Chirac en fond d'écran qui nous sourit comme dans une pub. On a l'impression d’être chez lui, de lui poser la question personnellement et qu'il va nous répondre. Mais qu'est-ce qu'il fout là ?

Le rendu sombre de la photo, quasi d'outre-tombe, nous renvoi à un monde caché. Cette perception est renforcée du fait que l'image de Chirac est en arrière plan, l'idée d'un deuxième monde, souterrain, parallèle, d'une plongée dans une autre dimension. Ce qui est troublant c'est qu'on à le sentiment de nous adresser à Chirac, alors qu'en fait on s'adresse à un journal qui en son temps nous parlait de Chirac. Ça sent l'embrouille et le mélange des genres à plein nez.

On prend conscience d'un coup que finalement, juste une photo, voire une police de caractères et un jeu de couleurs, permet d'habiller une page contact, pour donner le sentiment tout à fait artificiel et fabriqué, que nous nous adressons à un correspondant particulier, ici ce devrait être Libération, mais c'est à Chirac qu'on cause ! Erreur.

En fait, c'est un peu orwellien, nous pensons nous adresser à un journal que nous croyons connaître, mais à cause de ce brouillage d'écoute, on se met à penser d'un coup que tous nos messages arrivent au même endroit, une sorte de Ministère des messages, une administration centralisée avec des centaines de fonctionnaires. Ces gens répondent aux messages de tous le monde au nom de toutes sortes d'institutions, il leur suffit de prendre le bon logo, la bonne police de caractères, et le vocabulaire ad hoc, pour répondre et se faire passer pour un correspondant aussi différent que Chirac ou Libération. 1984.

En fait, le p'tit délire paranoïaque ci-dessus n'est pas si loin de notre réalité, déjà un même (riche) propriétaire peut disposer de plusieurs journaux, diffuser des articles dont la mise en forme est différente, mais dont les idées sont les mêmes car rédigés par les mêmes gens interchangeables. C'est le cas de Patrick Drahi1, proprio de Libération et d'un bout de RMC et BFM TV. Ces médias nous servent donc la même soupe, mais dans des plats différents. Par exemple, mettez un jeu de mots dans une titraille et vous êtes sur Libé.

Bref, le packaging nous conditionne autant sinon plus que le contenu. Il ne faudrait pas que des journaux que nous croyons de gauche se mettent à diffuser des idées de droite, mais n'est-ce pas déjà le cas avec Libération et Mediapart ? Mediapart, le journal que seuls ses lecteurs peuvent acheter, ce n'est pas de l'humour, c'est leur moto. Habillage marketing donc.

Nous savons l'étanchéité imparfaite


1 Médias français : qui possède quoi, monde-diplomatique.fr, juillet 2016.