Mélenchon et son traitement anti-macronite

Dans une interview d'Élizabeth Martichoux sur RTL du 24 mai 20171, Jean-Luc Mélenchon remet les pendules à l’heure. Insidieusement, la journaliste tente de faire passer l’information, qu’Emmanuel Macron élu, aurait les pleins pouvoirs et… qu'il ne va tout de même pas attendre les résultats de la législative, pour remettre en cause le Code du travail.

Chef du service Politique de RTL, Élizabeth Martichoux

En voilà une bien belle macronite.!

Tellement belle, qu’on peut parler d’un cas d’écolem car ici l'objet n'est nullement d'informer les auditeurs, mais de faire passer un message. Munissons-nous de notre DSM-52 et diagnostiquons ensemble cette macronite exemplaire. Élizabeth Martichoux ajoute de l’urgence, car il y aurait urgence à ce que notre nouveau président réécrive le Code du travail tout de suite, même s’il doit le faire seul, c’est-à-dire sans vote du parlement. La journaliste nous affirme tout cela sous le sceau de l’évidence même, de sorte qu'il serait contre intuitif de douter. Si elle dit les choses avec autant d'aplomb, c'est qu'elle doit avoir raison (alors que que c'est tout le contraire). Et enfin la macronite se referme sur l’idée que les législatives ne servant à rien, il n’est pas nécessaire de nous déplacer pour voter. Les médiacrates ont leur candidat, veuillez bonnes gens ne pas venir compliqué les choses. Message livré.

À propos de l’urgence, il faut souligner que même si ça fait plusieurs décennies que l’on nous propose les mêmes recettes sans jamais réussir, il faudrait appliquer immédiatement la mouture qui s’annonce. Puisque cette fois c’est la bonne, Élizabeth Martichoux nous le dit – en toute bonne foi. Elle n'a pas l'air sincère notre Élizabeth quand elle s'adresse à Jean-Luc, il n'est pas cool cet entretien, hein.?

En douce, Élizabeth Martichoux légitime encore un peu plus Emmanuel Macron, en escamotant complètement que beaucoup de ceux qui ont voté pour lui, l’on fait surtout pour éviter Marine Le Pen (vous vous souvenez le grand truc du vote utile, là nous sommes dans l'après vote utile, on polarise sur le 51% en oubliant 51% de quoi). C’était pourtant il y a seulement quelques jours et notre médiacrate a déjà oublié. Ce faisant Élizabeth Martichoux sous-entend l’existence d’un vote d’adhésion massif à la refonte du Code du travail. Re-message livré.

Restez chez vous, y'a pas de problème

Urgence, bon sens, légitimité… vous la sentez là, la journaliste.? Non parce qu'on a un peu le sentiment qu'Élizabeth Martichoux nous invite à éviter de réfléchir, non.?

Heureusement, le médecin Jean-Luc Mélenchon est là. Il va pouvoir appliquer son traitement anti-macronite, ici en trois injections, et lui expliquer comment fonctionne notre démocratie. Fonctionnement qui, il faut bien le constater, n’est pas toujours compatible avec la macronite généralisée du monde médiatique dont fait partie notre journaliste. Le passage est particulièrement jouissif, pour nous et pour Jean-Luc Mélenchon qui boit du petit lait. Comme un chat qui joue avec une souris, lui, l’amène exactement là où il veut, elle, sous l’emprise de sa macronite, est incapable de lui échapper. La démonstration est implacable. Du grand art.

Voici l'extrait du dialogue, que vous pouvez entendre (et voir) avec le lien ci-dessous.

Première injection de verum à 3"00'
— Madame Martichoux, s'exclame Jean-Luc Mélenchon, les gens qui vous entendent apprennent quelque chose qui est très important et c’est important que vous l’assumiez, je ne dis pas vous, mais que l’assument ceux qui l’on fait : donc ceux qui votaient pour Monsieur Macron au deuxième tour de l’élection présidentielle votaient pour l’abrogation du Code du travail, c’est bien ce que vous nous dites.?
— Non, je n’ai pas tout à fait dit ça, j’ai dit qu’il a été élu, ce qui lui donne…
— …ne lui donne aucun droit particulier…
— Une légitimité, et ce n’est pas parce qu’il a été élu face au Front national au deuxième tour qu’il est condamné à l’immobilisme jusqu’à ce qu’il sache ce qu’est le rapport de force à l’Assemblée. Vous êtes d’accord.?

Deuxième injection de verum à 3"35'
— Mais pas du tout je ne suis pas d’accord, répond Jean-Luc Mélenchon, c’est un régime parlementaire dans lequel nous vivons (…), mais non il faut attendre que l’Assemblé soit élue pour prendre des décisions.
— donc, vous dites ne rien faire avant le 18 juin sous prétexte que l’élection a été ce qu’elle a été.?

Troisième injection de verum à 3"52'
— Sous prétexte.!?! interroge Jean-Luc Mélenchon franchement incrédule.
— Au prétexte de…
— Mais attendez, vous appelez ça un prétexte une élection.? Mini silence accablant. Mais pas du tout, bien sûr que non, qu’il a droit de ne rien faire. Parce que tant que l’Assemblée n’est pas là, la loi ne peut pas s’appliquer Madame Martichoux, re mini silence accablant. Je suis désolé de vous dire qu’on n’abrogera pas le Code du travail, sur le perron de l’Élysée, en disant, bon bah écoutez maintenant le Code du travail c’est fini. Pardon, il y a deux ou trois formalités qui s’appellent le vote. D’abord celui des Français, parce que pourquoi sommes-nous en train de discuter tous les deux à cet instant, c’est pour éclairer leur décision3… Il y a des élections législatives et ils ne sont pas obligés de donner les pleins pouvoirs à Monsieur Macron. Supposez que se retrouvent les 7 millions de personnes qui ont votés pour moi à la Présidentielle, dans les législatives, pour voter pour des candidats de la France Insoumise, ce n’est pas Monsieur Macron qui gagne l’élection, c’est moua.! CQFD.!


1 Nous sommes donc pendant la campagne des législatives qui suit l’élection d’Emmanuel Macron.

2 Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders

3 Et non pas faire passer le message de la macronite.